lunes, 10 de octubre de 2011

erotismo y muerte

« Dans l’ombre, il arrivait que nous nous cherchions. Nous nous regardions les yeux dans les yeux : non sans crainte. Nous étions liés l’un à l’autre, mais nous n’avions plus le moindre espoir. À un tournant du chemin un vide s’ouvrit au-dessous de nous. Étrangement, ce vide n’était pas moins illimité, à nos pieds, qu’un ciel étoilé sur nos têtes. Une multitude de petites lumières, agitées par le vent, menaient dans la nuit une fête silencieuse, inintelligible. Ces étoiles, ces bougies, étaient par centaines en flammes sur le sol : le sol où s’alignait la foule des tombes illuminées. Je pris Dorothea par le bras. Nous étions fascinés par cet abîme d’étoiles funèbres. Dorothea se rapprocha de moi. Longuement, elle m’embrassa dans la bouche. Elle m’enlaça, me serrant violemment : c’était, depuis longtemps, la première fois qu’elle se déchainait. Hâtivement, nous fîmes, hors du chemin, dans la terre labourée, les dix pas que font les amants. Nous étions toujours au-dessus des tombes. Dorothea s’ouvrit, je la dénudai jusqu’au sexe. Elle-même, elle me dénuda. Nous sommes tombés sur le sol meuble et je m’enfonçai dans son corps humide comme une charrue bien manœuvrée s’enfonce dans la terre. La terre, sous ce corps, était ouverte comme une tombe, son ventre nu s’ouvrit à moi comme une tombe fraiche. Nous étions frappés de stupeur, faisant l’amour au-dessus d’un cimetière étoilé. Chacune des lumières annonçait un squelette dans une tombe, elles formaient ainsi un ciel vacillant, aussi trouble que les mouvements de nos corps mêlés. Il faisait froid, mes mains s’enfonçaient dans la terre : je dégrafai Dorothea, je souillai son linge et sa poitrine de la terre fraiche qui s’était collée à mes doigts. Ses seins, sortis de ses vêtements, étaient d’une blancheur lunaire. Nous nous abandonnions de temps à autre, nous laissant aller à trembler de froid : nos corps tremblaient comme deux rangées de dents claquent l’une dans l’autre. »

Georges Bataille, Le bleu du ciel (1957)




Y, en el espacio de los muertos, hacerse a un lado del camino buscando el lugar propicio, dar esos diez pasos que dan los amantes. Amarse en el cementerio, la rabia y el deseo revueltos, la piel erizada por el frío nocturno y por el estupor de ese acto imprevisto e irreprimible. El cuerpo clavado en el cuerpo deseado, las uñas hundidas en la tierra. Mudas, las estrellas, como ojos de una mirada extinta, parecen codiciar la luna doble de esos senos. Bataille, erotismo y muerte: la vida en su explosión donde ya no hay vida. Tan bello como inquietante.

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